Introduction

Je vous l’expliquais ici, à cause de la 3D et du HDR, les vidéoprojecteurs sont de plus en plus lumineux. Cela n’est pas sans conséquences négatives, en particulier en ce qui concerne la profondeur des noirs. Pour remédier à ce problème, certains sont tentés d’utiliser un filtre ND 2, aussi appelé filtre gris neutre, dont le rôle est alors de diviser par deux la luminance.

Mais, est-ce pertinent ? C’est ce que je vous propose de vérifier au cours de ce test.

Présentation

Qu’est-ce qu’un filtre ND 2 ?

En général, ce genre de filtre est utilisé en photographie pour réduire la luminosité, sans affecter les couleurs, lorsque celle-ci est trop intense.

On parle de filtre gris car c’est sa couleur, comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous, et le terme « neutre » signifie que les couleurs sont censées ne pas être modifiées. Quant au terme ND 2, « ND » signifie Neutral Density (densité neutre en français), et le chiffre 2 signifie que la luminance est divisée par 2.

Matériel utilisé

  • Un Epson EH-LS10000.
  • Un écran motorisé Xtrem Screen de 2 mètres de base avec la toile Absolute Reference White 1.0.
  • Un colorimètre X-Rite i1 Display Pro profilé sur un spectrophotomètre X-Rite i1 Pro.

Luminance et contrastes

Luminance

Avant le placement du filtre, j’ai calibré le projecteur Epson EH-LS10000, avec des pics lumineux à 94 cd/m². Cette valeur n’a pas été choisi au hasard, car 94 divisé par 2 est égal à 47, soit une valeur de luminance très proche des 48 cd/m² préconisés par la norme SMPTE.

Après le placement du filtre, j’ai mesuré les pics lumineux à 44 cd/m². La luminance n’a donc pas été divisée par 2 mais par 2,1. Sur ce plan le filtre ND 2 Hoya ne tient donc pas complètement ses promesses, mais on en est quand même tout près !

Cette division par 2,1 de la luminance va présenter deux intérêts en vidéoprojection :

  1. Améliorer le confort de visionnage dans le cas des projecteurs trop lumineux (pics lumineux supérieurs à 100 cd/m²).
  2. Approfondir les noirs.

Concernant l’approfondissement des noirs, cela est très efficace. En effet, le filtre ND 2 divise par 2 la luminance de la résiduelle de noir. Les noirs deviennent donc deux fois plus profonds, ce qui est flagrant sur le plan visuel !

Contrastes

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, un filtre ND 2 n’a aucun effet sur les contrastes séquentiels et ANSI. En effet, un contraste est le résultat d’un rapport:

Contraste = luminance du blanc / luminance du noir

Si on divise par 2 à la fois le numérateur et le dénominateur d’un rapport, le résultat reste donc inchangé !

Mais cela n’a aucune importance puisque les deux objectifs cités dans le paragraphe précédent, à savoir l’amélioration du confort de visionnage et l’approfondissement des noirs, sont bien atteints.

Colorimétrie

Nous venons de voir les deux effets positifs engendrés par l’utilisation d’un filtre ND 2, mais existe t-il des effets négatifs, notamment sur la colorimétrie ?

Pour commencer, je signale que le placement du filtre n’a aucun effet sur les réglages « luminosité » et « contraste » du projecteur, les mires de clipping donnent le même résultat !

Ci-dessous, voici les données colorimétriques avant le placement du filtre.

Quelques chiffres à retenir : une température de couleur moyenne à 6519 K avec un écart DeltaE moyen de 3,7 ; un gamma moyen à 2,28.

Les couleurs sont relativement justes avec un écart DelatE moyen de 0,55.

Et maintenant, après le placement du filtre.

Quelques chiffres à retenir : Une température de couleur moyenne à 6637 K, soit 118 K en plus,  avec un écart DeltaE moyen qui est passé de 3,7 à 4,3. Le gamma moyen n’a quasiment pas changé en passant de 2,28 à 2,27. Ces écarts sont imperceptibles donc négligeables.

Les couleurs sont restées relativement justes avec un écart DelatE moyen qui est passé de 0,55 à 0,78. Sachant qu’une valeur inférieure à 3 est imperceptible par l’oeil, on peut donc considérer que l’impact du filtre sur les couleurs est négligeable.

Conclusion sur la colorimétrie

L’impact du filtre sur la colorimétrie existe, mais il reste suffisamment faible pour être négligé. En tout cas, sur le plan visuel, si la différence de luminance est frappante, il est quasiment impossible d’en voir une concernant les couleurs.

Sur le plan colorimétrique, le filtre ND 2 Hoya tient donc toutes ses promesses avec une bonne neutralité.

Piqué – Netteté

D’un point de vue théorique, le placement d’un filtre est censé faire diminuer le piqué en abaissant la MTF (fonction de transfert de modulation de la chaîne optique).

Mais, dans le cas de ce filtre ND 2, cela ne s’est pas retrouvé sur le plan visuel. Même avec le nez à 30 cm de l’écran, il m’a été impossible de voir une quelconque différence avec et sans filtre.

Quelques photos pour s’en convaincre.

Sans filtre

Avec filtre

Impressions subjectives

L’oeil aime la lumière, c’est incontestable. Alors, après le placement du filtre, j’ai tendance à trouver l’image un peu fade. Mais, après quelques minutes, une fois que j’en ai pris l’habitude, je trouve l’image vraiment bien équilibrée et j’apprécie l’approfondissement des noirs à sa juste valeur.

Après quelques essais infructueux de photos, pas très fidèles à la réalité, j’ai préféré m’abstenir, mais faites-moi confiance, l’apport du filtre sur le renforcement des noirs est flagrant, en particulier sur les bandes cinémascope.

Pour que vous vous rendiez mieux compte de l’effet d’un tel filtre, la photo ci-dessous, issue de Wikipedia à propos des filtres à densité neutre, est très parlante.

Filtre à densité neutre – Wikipedia

Conclusion

J’avoue avoir débuté ce test avec pas mal d’a priori négatifs, en pensant que ce genre de filtre allait dénaturer l’image et faire baisser son piqué. J’avais tort car lorsqu’on l’utilise à bon escient, c’est-à-dire avec un projecteur produisant des pics lumineux bien supérieurs à 100 cd/m², le filtre Hoya ND 2 n’a quasiment que des effets positifs.

Si à cela on ajoute qu’il ne coûte qu’une trentaine d’euros, ce serait bien dommage de s’en passer, surtout qu’on peut l’enlever à tout moment, notamment pour la 3D ou le HDR, ou lorsque la lampe a perdu suffisamment de luminosité au cours du temps. On tient donc là une solution simple et peu onéreuse pour tous ceux qui possèdent un projecteur sans iris fixe et beaucoup trop lumineux par rapport à la taille de leur écran.

Points forts

  • Le prix, seulement une trentaine d’euros.
  • L’efficacité sur l’approfondissement des noirs.
  • Aucune perte de piqué visible.
  • Dérive colorimétrique négligeable.

Points faibles

  • Aucun point faible lorsque ce filtre est utilisé à bon escient.

Cet article a été rédigé par Hervé Thiollier – Consultant / installateur home cinéma – Calibreur vidéo – Revendeur Oppo

Site web : ht-consulting.pro